Les Piliers du Ciel

     On ne peut expliquer la montagne. Ce n'est pas une simple discontinuité de la Terre, c'est un symbole, théâtral, d'une aspiration que certains ont su raconter. Les survivants des expéditions les plus extrêmes, ceux qui sont allés au-delà de leurs limites, parlent de leur effroi devant ces divinités de pierre et ces glaciers comme des déserts bleus, peuplés de démons produits par leur esprit enfiévré. Les géants de la Terre, devant les peurs ou l'arrogance de ces insensés qui ont tenté de les vaincre, ont élevé de formidables barrières et demandé un lourd tribut de sang. Ils ont parfois parlé, comme en témoignent les sherpas. Le peuple népalais vie en symbiose avec la montagne, lui prodiguant le même soin que l'on réserve à un diamant brut, à une semence d'où peut naître une fleur, à un dieu irascible très beau, qui exige un service dévot.

Il est des reliefs qui trouvent leur identité dans l'altitude : l'Himalaya, le "toit du monde", est le résumé, le paradigme de la montagne de haute altitude. Les Alpes incarnent au contraire la montagne accessible : de larges vallées verdoyantes conduisent à des massifs et à des pics parfois glacés, parfois nus. Les Andes, battues par les intempéries les plus imprévisibles, sont l'essence de l'austérité et de la grandeur des paysages sud-américains. L'Antarctique semble un fragment d'un autre monde tombé sur notre planète : des tempêtes s'y déchaînent des mois durant, assorties de vents cyclopéens, parcourant des sols désolés et des déserts glacés.

En Californie, des monuments sculptés dans la roche la plus ancienne arborent des couleurs extravagantes et surplombent des étendues arides. Les montagnes sont un pur spectacle. Quiconque s'y engage après les avoir contemplées de loin éprouve à chaque pas ce subtil frisson que tout homme doit ressentir lorsqu'il pénètre dans des régions inexplorées. Chaque vue recèle un émouvant secret, chaque sentier offre intacte la joie de découvrir une parcelle de nature encore vierge.

© Alberto Bertolazzi

"L'esprit de la montagne habite dans ses névés, entre les crevasses, au-delà de l'ultime roche tendue vers le ciel. Ses paroles sont inscrites dans les nuages : on les entend lorsque le vent hurle dans les sentiers, racontant l'histoire des hommes qui les ont parcourus."

"Le sifflement du vent, le gel qui pique le visage. Les poumons qui brûlent, les jambes comme des branches brisées, les mains qui tremblent et le regard éperdument brouillé. Pourtant, on avance, centimètre par centimètre, attiré vers le sommet par une divinité inconnue et inexorable..."